Dans la mesure de l’impossible, de Tiago Rodriguez, Théâtre Dijon Bourgogne
Les élèves d’option ont assisté à la représentation de Dans la mesure de l’impossible, de Tiago Rodriguez. Suite au spectacle, ils ont choisi d’écrire un poème ou un slam OU de réaliser une bible de salle. Voici des exemples de leurs travaux.











Anaïs Nin au miroir, mise en scène d’Elise Vigier, 20 octobre 2022, Théâtre Dijon Bourgogne
Compte-rendu de Noah Amilien, 1ère spécialité Théâtre – Crédits photos : Christophe Raynaud De Lage.

Ce que je sais avant le spectacle… Nous devons la mise en scène à Elise Vigier, qui s’est inspirée du travail de traduction de Agnès Desarthe sur l’œuvre de la célèbre auteure du XXe siècle : « L’intemporalité perdue et autres nouvelles » dont la plupart ont été écrites entre 1928 et 1931. C’est d’ailleurs cette même traductrice qui a rédigé le texte de la pièce. Pour accompagner cette mise en scène, l’équipe a fait appel à un musicien : Marc Sens, ce qui nous laisse présager que de la musique accompagnera les acteurs. De plus, comptes tenus de l’affiche du spectacle, nous pouvons également nous attendre à une démonstration artistique qui s’étend au-delà du jeu théâtral. Des danses ? Des chants ? Autant de performances qui viendraient enrichir et compléter l’univers d’Anaïs Nin. Philippe Beau, magicien et ombromane français, aura lui aussi son rôle à jouer dans cette représentation puisqu’il est chargé des « conseils en magie », corroborant nos attentes : ce spectacle sera unique. Concernant les acteurs, huit noms sont cités dont celui de la metteur en scène ; les spectateurs auront donc l’opportunité de la retrouver sur le plateau. La dernière chose que l’on peut noter sans même avec vu la pièce est que celle-ci est conseillée à partir de 15 ans. Nous pouvons donc nous interroger sur son contenu ; les sujets qu’elle aborde et comment elle les aborde. Anaïs Nin étant réputée pour traiter la sexualité de façon libre et explicite, nous pourrions penser qu’un certain âge est requis pour comprendre les problématiques de la pièce.

Ce que je vois, ce que j’entends… Les lumières se sont éteintes, entraînant avec elles les murmures des spectateurs, et alors que la pièce était plongée dans le silence, de grands cadres en laid se sont allumés, éclairant la scène sur laquelle nous pouvions à peine distinguer la silhouette d’une des actrices ; c’est ainsi que la pièce a commencé. Le dispositif scénique frontal offrait aux spectateurs une vue impeccable sur les éléments du décor. Tout à droite, juste devant le public, se trouvait une carcasse de bateau que l’on aurait aménagée pour en faire une cabane tandis que plus au fond se trouvaient de grandes marches en pierre. Plus à gauche, nous retrouvions les cadres en leds (présents tout au long du spectacle, ce qui a permis de changer aisément la couleur et l’intensité de la lumière en fonction des scènes) disposés près d’une table sur laquelle était déposés une douzaine de livres, tous écrits sous la plume de Anaïs Nin. Enfin, juste derrière cette table étaient positionnés deux portants à roulettes où étaient rangés des costumes de spectacle. Tout laissait à penser que nous étions face à des coulisses. La jeune actrice resta debout, immobile durant plusieurs secondes avant de se mettre à errer sur scène à la manière d’un fantôme. Elle semblait confuse et perdue, comme si elle venait d’une autre époque, nous constaterons d’ailleurs plus tard dans la représentation qu’il s’agit de Anaïs Nin. Elise Vigier l’a rejoint ensuite sur scène dans la peau d’une femme d’entretien et nous avons pu constater le contraste évident entre le costume de cette dernière et celui de la première actrice. L’une portait un chemisier, une longue jupe blanche cintrée et des bottines de cuir brun, l’autre arborait l’uniforme de travail standard d’une femme de ménage ainsi qu’un jean et des baskets. Plus tard dans la pièce, lorsque les autres personnages apparaissent, nous pouvions à nouveau remarquer leurs costumes modernes qui tranchaient avec celui de la première actrice. Ces nouveaux personnages ont d’ailleurs arboré de nombreux costumes tout au long de la pièce, nous faisant comprendre ainsi qu’ils s’agissaient de comédiens qui préparaient une pièce. Tous semblaient plutôt jeunes, exceptée une femme qui n’apparaît que tard dans la représentation. Notons également que le choix des acteurs est extrêmement diversifié, nous retrouvons des femmes et des hommes de couleur noire, certains plutôt minces tandis que d’autres arborent des courbes plus généreuses. Ne serait-ce pas un choix calculé de la part de Elise Vigier qui désirait représenter la diversité de l’univers de Anaïs Nin ? Le fait qu’il y ait des hommes et des femmes présentes sur scène pourrait également faire écho à la bisexualité de l’auteur. Concernant les nombreux accessoires utilisés par les acteurs, nous avons pu remarquer entre-autre la présence de rideaux pourvus de différents motifs, de peinture, de miroirs, de pétales de roses, il y avait également une boîte de magie accompagnée d’une scie ainsi que des cigarettes et les portables des acteurs, ces deux derniers éléments étant complètement inadéquats ; l’un pour son rapport à la bienséance, l’autre pour son contraste avec l’univers de la pièce. Cependant, il y avait un accessoire qui se démarquait de tous les autres : il s’agissait d’une toile faisant office d’écran sur laquelle étaient projetées des images préenregistrées de l’actrice tenant le rôle de Anaïs Nin. Ces images en noir et blanc complètent les scènes de jeu et alimentent la pièce d’un nouvel aspect : une dimension cinématographique sublimée par la musique de Marc Sens jouée en direct depuis un coin de la scène.

Comment pouvons nous interpréter les choix singuliers de Elise Vigier ? Tout d’abord, le choix du dispositif scénique est crucial, et provoque chez le spectateur un sentiment d’intimité qui est un point essentiel pour faire ressortir toute la sensualité des écrits de Anaïs Nin. Nous nous sentons seuls face aux scènes qui se déroulent dans une osmose parfaite, comme si les acteurs présents sur scène et les spectateurs partageaient le même souffle. Nous pouvons également penser que ce choix facilite la projection des scènes préenregistrées. Les lumières jouent également un rôle essentiel dans cette quête de l’intimité, tantôt blanches et froides, tantôt chaudes et tamisées. Elles permettent aux spectateurs de deviner l’ambiance de la scène qui va suivre avant même de la découvrir, nous pourrions même ajouter que la musique facilite notre immersion dans cet univers onirique et langoureux. Pourtant, toutes les scènes ne sont pas aussi claires et évidentes à interpréter et nécessitent une réflexion plus profonde. C’est une véritable invitation à l’imagination. Le tour de magie réalisé par les acteurs est aussi inexplicable que spectaculaire et si, à première vue, il semble inadéquat, nous pourrions interpréter cela comme la frontière de l’être et du paraître qui parfois s’amoindrit, ou bien encore la dualité constante de l’homme entre sa raison et ses pulsions (ici des pulsions de violence en l’occurrence puisque l’acteur qui réalise le tour se présente avec une scie ensanglantée). Cela repousse les limites de la bienséance, tout comme les nombreuses cigarettes qui sont fumées sur scène mais là encore, nous pourrions faire un lien avec Anaïs Nin et sa volonté profonde d’outrepasser la censure et les tabous pour offrir au monde un art différent et une vision du monde et des hommes plus brute, plus réelle, mais tout aussi belle. D’ailleurs, cela se ressent à travers les personnages. Dans cette pièce, une troupe de comédiens se penche sur les œuvres de Anaïs Nin afin d’en extraire l’essence et le lyrisme pour proposer par la suite une représentation théâtrale. Seulement, tout au long de ce processus de recherche, les personnages vont peu à peu se mettre à nu pour exposer leurs tourments, jusqu’à révéler au public leur vrai personne. C’est au travers des mots de l’écrivaine qu’ils se cherchent et s’apprivoisent eux-mêmes. Imparfaits, tourmentés, incompris, ces personnages font échos aux spectateurs qui participent eux aussi à cette « recherche de soi ». De plus, les diverses représentations de genres, d’ethnies, d’âges et d’orientations sexuelles permettent au public entier de pouvoir s’identifier. Le décors ne cesse de changer et s’adapter à chaque personnage, comme s’il s’agissait de multiples histoires comptées par Anaïs Nin, le spectateur en vient même à se poser plusieurs fois la question durant le spectacle : est-ce que cette troupe de théâtre tourmentée et ambitieuse n’est pas le fruit de l’imagination du personnage d’Anaïs comptant ses histoires à la femme de ménage ? En effet, on ne cesse d’alterner entre le point de vue des comédiens et celui de la jeune Anaïs et de la femme d’entretien… Jusqu’à ce qu’ils s’allient pour qu’ils ne fassent plus qu’un. Comme deux oiseaux perchés sur deux fils différents, ceux-ci finissent par se rejoindre pour lier leurs plumes. Les textes d’Anaïs Nin permettraient-ils donc de rapprocher les gens ? Nous pouvons nous demander si, à leur lecture, nous ne finirons pas, nous-aussi, par ouvrir les yeux sur notre vie, sur notre « nous intérieur » ? Si cela fait l’objet d’une réflexion intéressante, cela peut rendre le spectateur perplexe au premier abord. Danse, chant, peinture… Tous les arts se rencontrent et l’on se sent comme submergés. Ajoutons à cela que les personnages changent souvent de costumes (exceptées Anaïs Nin et la femme d’entretien), ce qui peut renforcer l’incompréhension du public. Néanmoins, cet amalgame de couleurs, de sons et de mots gardent le spectateur en haleine qui, bouche bée, ne saurait détacher ses yeux de la scène.
Enfin, s’il fallait vous conseiller ce spectacle, je le ferais volontiers. C’est un moment hors du temps qui vous tendra les bras dès l’instant où vous pénétrerez dans la salle de spectacle. Cette pièce excentrique est le symbole même de la sensibilité humaine et artistique et éveillera les émotions terrées au plus profond de vous-même. Sur scène, les mots semblent danser une valse qui s’accordent à la perfection avec la musique délectablement exaltée de Marc Sens. Vous aussi, laissez vous approcher par le fantôme intrépide d’Anaïs Nin et laissez vous guider dans ses songes, en oubliant les codes et les principes qui tiennent prisonnier la poésie qui sommeille en vous.

Istiqlal, mise en scène de Tamara Al Saadi, Octobre 2022, TDB
Les élèves en option théâtre (2ndes – Premières – Terminales) ont réalisé, après avoir vu le spectacle Istiqlal, des arbres généalogiques créatifs pour rendre compte de ces cinq générations de femmes, entre l’Irak et la France, que nous a donné à voir l’équipe de Tamara Al Saadi.
Voici un aperçu de leurs propositions!










La Tendresse, mise en scène de Julie Bérès, novembre 2021, TDB.
Extraits de comptes-rendus d’un spectacle – Autrices : Valentine Renard & Nina Roulin – Auteur : Arthus Gand – 1ère spécialité théâtre 2021-2022.

« Ce que je sais avant le spectacle » – Valentine R.
Pour cette deuxième pièce de théâtre à laquelle nous assistons avec la classe de spécialité, j’ai entrepris quelques recherches en amont. Tout d’abord, La Tendresse est jouée par la compagnie Les Cambrioleurs, créée en 2001 sous l’impulsion de Julie Bérès. C’est une troupe qui se veut polyvalente, c’est-à-dire qu’elle regroupe des artistes aux multiples talents. Leur dernier spectacle, La Tendresse, fait partie d’un diptyque qui s’intéresse aux questions et enjeux de société qui touchent les femmes – dans Désobéir, la première partie de 2017 – et les hommes, auxquels La Tendresse est consacrée. Le résumé nous livre une explication qui m’a marquée et que j’ai beaucoup appréciée : « Les filles de Désobéir devaient mentir aux autres pour s’affranchir des injonctions de la société, de la tradition, de la famille. Les garçons de La Tendresse, eux, ont souvent dû se mentir à eux-mêmes pour appartenir au groupe « homme », pour correspondre à la fabrique du masculin. » Ainsi la pièce de théâtre va-t-elle aborder la masculinité – les masculinités ? –, sa représentation, ses injonctions, son expérience par huit hommes, qui vont la décortiquer pour mieux s’accepter et se comprendre ? Ayant visionné le trailer de Désobéir, je m’attends à un spectacle très dynamique, qui mêle théâtre et témoignages. De plus, j’ai hâte de voir La Tendresse car ces questions de société m’intéressent énormément. D’une part, parce que je suis curieuse de connaître le point de vue, sans filtre, de ce groupe social qui me semble souvent étranger que sont les hommes ; et d’autres part c’est une thématique du féminisme que je souhaite découvrir davantage. J’ai donc de très hautes attentes, et j’espère que La Tendresse saura traiter son sujet avec justesse.
« Ce que je vois, ce que j’entends au cours du spectacle » Nina R.
Je voudrais commencer en parlant de l’éclairage de ce spectacle qui était d’une grande importance. Dès le début, on remarque un phénomène peu habituel : l’éclairage va jusqu’au public, nous happant et nous intégrant à la pièce. Tout au long du spectacle, la couleur, la composition et le mouvement des lumières va changer pour s’adapter aux scènes et aux ambiances sur scène. Par exemple, lors de la « scène de la guerre » où tou.te.s les comédien.ne.s sont habillé.e.s de façon militaire, la scène était très sombre, éclairée uniquement par le dessus, ce qui donne une impression de lourdeur et de gravité, renforçant l’action jouée sur scène. Lorsque les lumières vont du centre de la scène jusqu’au bord de celle-ci, dans un mouvement de balayage, cela donne une impression de dispersion et de fuite. Lorsqu’au contraire les points lumineux sont fixes, on sent que la.e comédien.ne est ancré.e, et que ce qu’iel dit est important et/ou grave. Lors des scènes de rigolade et de chansons, beaucoup de projecteurs sont allumés et toute la scène, voire le public sont éclairés, ce qui nous plonge dans une ambiance de confiance et de détente.
Ensuite, concernant les chorégraphies qui, à mon sens, sont un bout de l’âme de la pièce, chaque personnage a son style de danse propre, qui retranscrit une part de son histoire et de son jeu. Il y avait du hip-hop, quelques styles de danses urbaines et de la danse classique. À travers la danse, le corps peut exprimer des émotions, des actions, voire des scènes complètes. Dans cette pièce, je voyais les danses comme des illustrations des témoignages racontés ; par exemple, le parcours du premier danseur sur la structure noire, quand il racontait son expérience et les rapports qu’il entretient avec son père, et plus largement avec sa condition d’homme, il donnait l’impression d’avancer avec son récit, se mouvant au rythme des périples qu’il racontait. Le danseur classique, lorsqu’il racontait son expérience et son addiction au porno durant son cursus à l’Opéra de Paris, dansait au début de façon timide et monotone, pour prendre vie et s’emballer au fur et à mesure du récit. La comédienne qui jouait une femme déguisée en homme depuis le début de la pièce, dansait et bougeait par à-coups, comme si quelqu’un ou quelque chose la retenait ou la bloquait, ce qui correspond bien à l’histoire qu’elle raconte, celle d’une fille dont le père préfère son frère pour la simple bonne raison que c’est un garçon. Elle raconte comment, depuis son enfance ; son père désigne certains jeux pour son frère (les jeux de chantiers, de voiture, etc…) et d’autres pour elle (les poupées, les robes, etc…) sans lui laisser son avis. Les différentes chorégraphies amènent une autre dimension à la pièce.
En troisième point, j’aimerais parler des costumes, qui ont, je pense, été très importants au cours de cette pièce. Dans un premier temps, tous les commédien.ne.s étaient habillé.e.s « normalement », avec des survêtements, des joggings et des baskets. Puis, peu de temps après avoir disparus de scène, ils sont revenus, cette fois-ci habillé.e.s de façon militaire pour une courte scène représentant un combat. On peut, tout au long de la pièce, constater plusieurs changements de costumes plus subtils, Par exemple, j’ai remarqué qu’à chaque fois que l’un des personnages se confiait, racontait son histoire ou se mettait à nu, ses vêtements passaient d’un sweat avec un jogging à une robe ou un habit jugé plus « féminin » par la société. On peut prendre en exemple le personnage que projetait de construire un mur avec les prénoms de toutes les femmes violées en France (ce qui, au passage, est une excellente idée) ; lorsqu’il évoquait son idée, il se déshabillait et se changeait tout en continuant de jouer, pour finir avec une longue robe violette. Et c’est ce schéma pour tous ou presque : iels sont en survêtement, iels se confient et expriment une part de leur sensibilité, puis iels finissent en portant un vêtement plus coloré, plus « efféminés ».

« Pourquoi aller voir La Tendresse ? » Arthus G.
Ce spectacle est une création qui n’a pas peur de nous montrer la vérité en face et de dénoncer une société toxique pour les hommes malgré le fait qu’elle soit patriarcale. Si l’on souhaite se questionner et réfléchir sur la place de l’homme dans la société, ce spectacle ne peut qu’aider. Ensuite, celui-ci est un réel ascenseur d’émotion : l’on passe du rire, aux larmes, à la colère en quelques secondes car beaucoup de thématiques sont abordées. En revanche, s’il y a un point à critiquer dans ce spectacle, est le fait que certaines thématiques passent vite et sont moins développées que les autres. De plus, c’est un spectacle réellement contemporain qui traite de sujets et de problématiques actuelles. Malgré cela, je pense qu’il peut intéresser un public moins contemporain que le mien, car il essaie de faire changer les mœurs. Mais je pense que La Tendresse n’est pas à accueillir comme un simple divertissement, mais plutôt comme une sorte de quête de sens à la masculinité. Suite à celui-ci, ma vision de la masculinité et les autres hommes à quelque peu changer, car je me suis beaucoup questionné sur moi-même et sur les autres, et c’était ce que j’attendais de La Tendresse.

Antigone, d’après Sophocle et Brecht, mise en scène de Lucie Berelowitsch
Extraits de compte-rendu d’un spectacle – Autrice : Lauryne Fontaneau – 1ère spécialité théâtre – 2020-2021.

Antigone est un spectacle créé et mis en scène par Lucie Berelowitsch en 2015. Bien qu’il soit retravaillé en écriture de plateau, il a pour origine les versions d’Antigone de Sophocle et de Brecht. Ce mythe a été repris de nombreuses fois. Pourquoi Lucie Berelowitsch a-t-elle choisi de proposer une mise en scène de ce personnage de la tragédie grecque maintes fois joué ? Pour comprendre cela, il faut s’intéresser au contexte géopolitique de l’Ukraine. En 2014, une Révolution a lieu et après de nombreux affrontements entre le peuple et la police, le président de l’Ukraine fut destitué. Quelques mois plus tard, Lucie Berelowitsh se rend à Kiev, théâtre des plus grands affrontement de cette Révolution, encore marqué par son passé. Elle fait alors le lien avec Antigone, l’archétype de la révolte, du combat contre l’état. Des questions comme « comment honorer les morts ? », « comment reconstruire à partir des cendres ? », « comment réapprendre à vivre ? » sont communes à ces deux combats.

La réécriture d’Antigone de Lucie Berelowitsch est pertinente sur de nombreux points. Nous pouvons par exemple évoquer la scène d’exposition du spectacle où on assiste à une scène de combat entre Polynice et Etéocle qui finissent par s’entretuer. La particularité de ce moment est que cette scène n’existe pas dans les autres versions d’Antigone. Il s’agit donc d’un ajout de la metteure en scène. Ce début de spectacle In Medias Res met le spectateur directement dans l’ambiance. Cette vision d’horreur choque et permet donc de captiver l’attention du public. De plus, la musique et les accessoires appuient cet effet. Le seau de sang jeté sur le corps des comédiens renvoie à une image forte. La musique au tempo rapide qui monte crescendo en volume au même titre que la lumière qui, au départ est très sombre, augmente petit à petit provoquant une tension et un sentiment d’angoisse pour le public.

La musique occupe une place importante dans cette pièce, le groupe Dakh Daughters, un collectif musical ukrainien de femmes, joue le rôle du chœur. À jardin, de nombreux instruments de musique sont installés et le groupe joue tout en chantant dans sa langue natale. Le spectacle est ponctué par des chants qui ont souvent pour fonction de décrire les actions qui sont en train de se dérouler. Cette présence sur scène apporte un aspect authentique : on ne fait pas qu’entendre la musique, on la voit se former sous nos yeux.

Antigone est une femme forte qui assume ses actes et les costumes jouent sur des clichés. Elle porte une robe noire tandis que celle de sa soeur, Ismène, est blanche. Cette dernière est associée à la pureté, à l’innocence contrairement à la tenue noire d’Antigone qui représente la tristesse, le désespoir, la solitude voire la mort. Créon porte une épée ainsi qu’une couronne, symbole de pouvoir, de force et de puissance. Il incarne un tyran sans cœur qui abuse de son autorité. C’est un personnage puissant et on peut s’en rendre compte dès son entrée sur scène. La lumière qui l’entoure, laissant dans la pénombre les autres comédiens, attire l’attention du public sur lui. Des lumières froides sont utilisées pour des passages plus calmes, des dialogues par exemple tandis que des lumières chaudes comme le rouge seront utilisées dans des scènes d’action, où la colère est présente ou encore dans des passages plus comiques.